(Une lettre de Jonathan Begg, de l'île de Salt Spring, adressée à son beau-frère en Iowa.
L'orthographe, la ponctuation et la grammaire sont tels que dans la lettre.)

Balmoral
Ile de Salt Spring
Près de l'Ile de Van Couvers
3 Juin 1860


Mes Chers Amis
Je saisis cette opportunité de vous écrire à nouveau. Je n'ai pas jusqu'à cette heure eu de vos nouvelles depuis que je suis arrivé dans la colonie. Dans ma dernière j'ai raconté ce qui m'est arrivé sur la Côte Pacifique avec mes impressions etc., de sorte qu'il est inutile de recommencer. Il suffit de dire que le pays a montré des preuves de grandeur durable cet été comme peu en ont rêvé et pour autant que le fleuve Fraser soit concerné il est maintenant prouvé au-delà du moindre doute qu'il contient des réserves inépuisables du précieux métal tout le long du fleuve et de ses nombreux affluents sur une étendue de 6 à 7 miles de pays.
J'ai maintenant une ferme et je travaille dur à planter des choux et des navets. J'ai 4 arpents clôturés et deux arpents déjà plantés de pommes de terre et de légumes précoces. Le solde sera en choux et navets. J'espère avoir 10.000 choux cet été ce qui rapportera quelque jour 10 cents la livre, ce que j'espère ils vont me rapporter au printemps. Ma ferme contient 200 arpents de la meilleure terre de la colonie et est admirablement située à mi-chemin entre New Westminster et Victoria les capitales respectives de la Colombie Britannique et de l'Ile de Van Couvers. Je suis bien satisfait de mes espérances ici et si le filon d'or de Colombie Britannique devait faire la preuve de son caractère durable, ce que j'ai toutes les raisons de croire je ne peux manquer de réussir d'ici quelques années. Le climat est excellent pour autant que je puisse en juger car je n'en ai l'expérience que d'une année. L'été est ici sans rival et la campagne ressemble au jardin d'agrément d'un gentilhomme, tant elle parait splendide et bigarrée dans sa parure d'été. L'agriculture n'est pas pratiquée ici en se basant sur les grands principes. Le peu qui se fait ou qui a été fait précédemment l'a été par de vieux serviteurs de la Compagnie de la Baie d'Hudson qui sont encore plus empotés que les animaux qu'ils conduisent. On peut encore voir ici les vieilles charettes, les ustensiles de ferme et les méthodes de culture à la mode il y a 30 ans en Grande Bretagne. Un bon fermier au bon sens pratique doté d'un peu de moyens ne manquerait pas de devenir riche en quelques années; par exemple les navets se vendent 1 cent la livre en gros, le foin de 30 à 50 dollars la tonne, le beurre 30 cents la livre, les oeufs 75 cents la douzaine. Et tous les autres produits de la ferme en proportion-et ces prix devront durer aussi longtemps que les filons d'or seront productifs, et c'est maintenant un fait certain car un filon d'une étendue illimitée a été découvert ce printemps qui rapporte à son homme de 5 à 10 dollars par jour.
Nous ne sommes pas mal pourvus en compagnie ici. Il y a déjà un bon nombre de Canadiens et de colons sur cette île car nous nous trouvons sur la route de Naniamo, les veines de charbon et seulement à 25 miles de distance de cet endroit. Nous avons toujours jusqu'à trois ou 4 goélettes etc. faisant relâche chez nous chaque semaine en route de Vancouvers à Victoria et nous recevons le courrier à peu près tous les dix jours. Et votre humble serviteur a été nommé Receveur des Postes. Nous avons eu une élection d'hommes pour l'assemblée législative et Salt Springs etc. a envoyé un représentant. J'ai été nommé Directeur du Scrutin à cette occasion. Les députés doivent posséder $ 1800 de biens on a donc dû désigner un homme de Victoria car aucun colon n'était apte. Le député est élu pour trois ans. D'ici là nous espérons être représentés par un homme de l'endroit. J'ai eu l'honneur de mettre sur pied la première société agricole de la colonie nous avons donc la Société Agricole de l'Ile de Salt Spring et espérons avoir quelque chose de bon à montrer à l'automne prochain. Nous sommes anxieusement dans l'attente de nouvelles du pays de manière à ce que la terre soit réduite à $ 125 l'arpent. Une pétition de l'assemblée législative locale a été envoyée au pays pour obtenir la dite réduction.
J'aime ce pays plus qu'aucun autre où j'ai jamais vécu et si nous avions un peu de bonne société ce serait un parfait paradis. Je dois reconnaître que la société s'améliore quotidiennement par l'arrivée de familles respectables venant d'Angleterre et des colonies.
La vie est peu coûteuse ici. Nos indigènes nous fournissent tous les luxes de saison pour trois fois rien. Imaginez un beau chevreuil mâle pour $1- Un saumon pesant 20 livres 12 cents1/2, une paire de perdrix 25 cents, etc
C'est le pays pour un épicurien.
Ma santé et mon moral sont excellents et j'espère que la présente vous trouvera tous de même. Espérant que vous allez m'envoyer une longue lettre avec toutes les nouvelles de là bas.

Votre dévoué
Jonathan Begg

Par Voie de Terre
Adresse
J Begg
Receveur des Postes
Ile de Salt Spring
Près de l'Ile de Vancouvers

James et Elspet doivent avoir bien grandi et être de belle taille. Je serais heureux que James soit ici. Il serait pour moi une excellente compagnie et prospérerait ici comme les cèdres du Liban dans leur forêt natale.